dimanche 25 janvier 2009

VRAIE DEVOTION - PARTIE I - 2

Si nous examinons de près le reste de la vie de Jésus-Christ, nous verrons qu'il a voulu commencer ses miracles par Marie : il a sanctifié saint Jean dans le sein de sa mère sainte Élisabeth, par la parole de Marie; aussitôt qu'elle eût parlé, Jean fut sanctifié, et c'est son premier et plus grand Miracle de grâce. Il changea, aux noces de Cana, l'eau en vin, à son humble prière, et c'est son premier miracle de nature [1]. Il a commencé et continué ses miracles par Marie, et il les continuera jusqu'à la fin des siècles par Marie [2].
Dieu le Saint-Esprit étant stérile en Dieu, c'est-à-dire, ne produisant point d'autre personne divine, est devenu fécond par Marie qu'il a épousée [3] : c'est avec elle, en elle et d'elle, qu'il a produit son chef-d'oeuvre qui est un Dieu fait homme , et qu'il le produit tous les jours jusqu'à la fin du monde [4]. Les prédestinés sont les membres du corps de ce chef adorable ; c'est pourquoi plus il trouve Marie, sa chère et indissoluble épouse, dans une âme, et plus il devient opérant et puissant pour produire Jésus-Christ en cette âme, et cette âme en Jésus-Christ [5].
Ce n'est pas qu'on veuille dire que la sainte Vierge donne au Saint-Esprit la fécondité, comme s'il ne l'avait pas: puisque, étant Dieu, il a la fécondité ou la capacité de produire, comme le Père et le Fils, quoiqu'il ne la réduise pas à l'acte, ne produisant point d'autre personne divine. Mais on veut dire que le Saint-Esprit, par l'entremise de la sainte Vierge, dont il veut bien se servir quoiqu'il n'en ait pas absolument besoin, réduit à l'acte sa fécondité, en produisant en elle et par elle Jésus-Christ et ses membres : mystère de grâce inconnu même aux plus savants et spirituels d'entre les chrétiens [6].
La conduite que les trois personnes de la très sainte Trinité ont tenue dans l'incarnation et le premier avènement de Jésus-Christ, elles la gardent tous les jours d'une manière invisible dans la sainte Église, et la garderont jusqu'à la consommation des siècles dans le dernier avènement de Jésus-Christ.
Dieu le Père a fait un assemblage de toutes les eaux, qu'il a nommé la Mer: il a fait un assemblage de toutes ses grâces,qu'il a appelé Marie [7].
Ce grand Dieu a un trésor ou un magasin très riche, où il a renfermé tout ce qu'il a de beau, d'éclatant, de rare et de précieux, jusqu'à son propre Fils [8] ; et ce trésor immense n'est autre que Marie, que les saints appellent le trésor du Seigneur, de la plénitude duquel les hommes sont enrichis.
Dieu le Fils a communiqué à sa mère tout ce qu'il a acquis par sa vie et sa mort, ses mérites infinis et ses vertus admirables ; et il l'a faite la trésorière de tout ce que son Père lui a donné en Héritage; c'est par elle qu'il applique ses mérites à ses membres, qu'il communique ses vertus et distribue ses grâces ; c'est son canal mystérieux ; c'est son aqueduc, par où il fait passer doucement et abondamment ses miséricordes.
Dieu le Saint-Esprit a communiqué à Marie, sa fidèle épouse, ses dons ineffables, et il a choisie pour la dispensatrice de tout ce qu'il possède ; en sorte qu'elle distribue à qui elle veut, autant qu'elle veut, comme elle veut et quand elle veut, tous ses dons et ses grâces ; et il ne se donne aucun don céleste aux hommes qu'il ne passe par ses mains virginales [9] ; car telle a été la volonté de Dieu, qui a voulu que nous ayons tout en Marie ; ainsi sera enrichie, élevée et honoré du Très-Haut celle qui s'est appauvrie, humiliée et cachée jusqu'au fond du néant par sa profonde humilité, pendant toute sa vie : voila les sentiments de l'Église et des saints Pères.
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[1] Miracle de grâce, c'est-à-dire, dans l'ordre invisible de la sanctification des âmes ; miracle de nature, c'est-à-dire, dans l'ordre des phénomènes physiques et sensibles.
[2] Marie les sollicite de son Fils et Jésus nous les accorde à sa demande.
[3] D'une façon spirituelle et mystique, par la suréminente sanctification de Marie qui l'associe et l'unit très intimement à l'adorable Trinité.
[4] La production de l'humanité sainte du Sauveur, son union à la personne éternelle du Verbe, la production de la grâce et par conséquent de la ressemblance et présence de Jésus-Christ en nous, sont des oeuvres réellement communes à toute la divine Trinité ; mais elles sont ordinairement et spécialement attribuées, appropriées à l'Esprit-Saint, Esprit d'amour et de perfection.
[5] Il est fort important d'établir ce qu'on doit entendre par la présence de Jésus et de Marie dans les âmes, car notre bienheureux y revient fréquemment comme à l'une des idées fondamentales de son traité. 1° Il ne s'agit pas de la présence eucharistique de Jésus en nous ; cette présence est très réelle, mais seulement passagère, selon la durée des Saintes espèces dans notre poitrine. 2° Il ne s'agit pas d'une présence réelle de son humanité, de son âme, de son corps, dans toutes les personnes qui lui appartiennent par la grâce sanctifiante ; cette sorte de présence, non seulement n'a aucun fondement dans la doctrine catholique, mais pourrait conduire à de graves erreurs. 3° Il ne s'agit donc pas non plus d'une présence réelle de l'âme ou du corps de Marie dans l'âme et le corps des fidèles ; les mêmes raisons s'y opposent et avec plus de force encore. Mais il s'agit simplement : 1° de la présence morale de Jésus en nous et de nous en lui, par notre mutuelle connaissance et par notre mutuel amour ; par la sanctification que sa grâce nous procure et par la ressemblance qu'elle nous donne avec lui ; par son action divine constante sur nous, et par son intercession perpétuelle pour nous ; enfin par l'action que parfois son humanité sainte peut elle-même exercer en notre faveur, soit directement, soit indirectement par la répression de nos ennemis. Il s'agit simplement : 2° de la présence morale de Marie en nous ; et de nous en elle, par notre mutuelle connaissance et notre mutuel amour, par la grâce qui en nous unissant et nous assimilant à son Fils nous unit et nous assimile à elle ; par son intercession continuelle en notre faveur ; enfin par l'action surnaturelle que Dieu veut qu'elle exerce çà et là sur nous ou contre nos ennemis. - Toute autre explication forcerait et fausserait la pensée du bienheureux. On voudra bien s'en souvenir constamment dans la lecture de son ouvrage.
[6] Se rappeler qu'il ne peut être question ici que d'une oeuvre appropriée ou attribuée et non propre au Saint-Esprit. Inconnue aux chrétiens du temps où écrivait Montfort, cette doctrine, dans son sens vrai, est bien connue des théologiens de toute époque. Elle se résume en ceci : 1° Marie est l'instrument dont Dieu s'est servi pour donner an monde un rédempteur et un Sanctificateur. 2° Le Saint-Esprit qui n'est et ne peut être le principe d'aucune personne divine, est principe avec le Père et le Fils, principe unique et indivisible, de l'Incarnation du Verbe et de la divine Maternité de Marie. C'est ainsi que la fécondité, la capacité de produire, qu'il possède par le fait qu'il a la nature divine, se trouve merveilleusement réduite à l'acte, comme dit Montfort, c'est-à-dire, effectivement féconde, effectivement productrice de l'oeuvre la plus sublime qui se puisse imaginer après la génération du Verbe et la procession du Saint-Esprit lui-même.
[7] En latin les mers se disent maria, ce qui ressemble an nom latin de la Sainte Vierge : Maria. Notre ingénieux auteur fait allusion a cette analogie.
[8] Même son propre Fils.
[9] C'est la toute-puissance suppliante dont parlent les saints Docteurs. D'ailleurs la volonté de Marie est en tout et toujours parfaitement soumise à celle de Dieu, suivant l'inspiration et les desseins duquel, nous l'allons voir, elle exerce sa fonction d'intervention.

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