vendredi 14 novembre 2008

VRAIE DEVOTION - PARTIE I

PREMIERE PARTIE
DE LA DEVOTION GENERALE A LA SAINTE VIERGE
ARTICLE I


Excellence et nécessité de la dévotion à la sainte Vierge

J'avoue avec toute l'Église que Marie n'étant qu'une pure créature sortie des mains du Très-Haut, comparée à sa majesté infinie, est moindre qu'un atome ou plutôt n'est rien du tout, puisqu'il est seul celui qui est,et que par conséquent ce grand Seigneur, toujours indépendant et se suffisant à lui-même, n'a point eu ni n'a point encore absolument besoin de la sainte Vierge pour l'accomplissement de ses volontés et pour la manifestation de sa gloire : il n'a qu'à vouloir pour tout faire.
Je dis cependant que, les choses supposéescomme elles sont [1], Dieu ayant voulu commencer et achever ses plus grands ouvrages par la très sainte Vierge depuis qu'il l'a formée, il est à croire qu'il ne changera point de conduite dans les siècles des siècles ; car il est Dieu et ne change point en ses sentiments ni en sa conduite.
Dieu le Père n'a donné son Unique [2] au monde que par Marie; quelques soupirs qu'aient poussés les patriarches, quelques demandes qu'aient faites les prophètes et les saints de l'ancienne loi pendant quatre mille ans pour avoir ce trésor, il n'y a eu que Marie qui l'ait mérité, et trouvé grâce devant Dieu par la force de ses prières et la hauteur de ses vertus [3]. Le monde était indigne, dit saint Augustin, de recevoir le Fils de Dieu immédiatement des mains du Père; Il l'a donné à Marie afin que le monde le reçût par elle. Le Fils de Dieu s'est fait homme pour notre salut, mais en Marie et par Marie. Dieu le Saint-Esprit a formé Jésus-Christ en Marie, mais après lui avoir demandé son consentement par un des premiers ministres de sa cour [4].
Dieu le Père a communiqué a Marie sa fécondité autant qu'une pure créature en était capable, pour lui donner le pouvoir de produire son Fils et tous les membres de son corps mystique [5]. Dieu le Fils est descendu dans son sein virginal, comme le nouvel Adam dans le paradis terrestre, pour y prendre ses complaisances et pour y opérer en cachette des merveilles de grâce.
Dieu fait homme a trouvé sa liberté à se voir emprisonner dans son sein ; il a fait éclater sa force à se laisser porter par cette vierge bénie ; il a trouvé sa gloire et celle de son Père à cacher ses splendeurs à toutes les créatures d'ici-bas pour ne les révéler [6] qu'à Marie ; Il a glorifié son indépendance et sa majesté à dépendre de cette aimable Vierge dans sa conception, en sa naissance, en sa présentation au temple, en sa vie cachée de trente ans, jusqu'à sa mort où elle devait assister pour ne faire avec elle qu'un même sacrifice, et pour être immolé par son consentement au Père éternel [7], comme autrefois Isaac par le consentement d'Abraham à la volonté de Dieu : c'est elle qui l'a allaité, nourri, entretenu, élevé et sacrifié pour nous.
Ô admirable et incompréhensible dépendance d'un Dieu, que le Saint-Esprit n'a pu passer sous silence dans l'Évangile, quoiqu'il nous ait cachée presque toutes les choses admirables que cette Sagesse incarnée a faites dans sa vie cachée, pour nous en montrer le prix [8] ! Jésus-Christ a plus donné de gloire à Dieu son Père par la soumission qu'il a eue à sa mère pendant trente années, qu'il ne lui en eût donné en convertissant toute la terre par l'opération des plus grandes merveilles [9]. Oh ! qu'on glorifie hautement Dieu quand on se soumet, pour lui plaire, à Marie, à l'exemple de Jésus-Christ notre unique modèle !
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[1] Dieu ayant disposé les choses comme il les a disposées.
[2] Son Fils unique.
[3] Et encore ces mérites, ces prières, ces vertus de Marie, n'eurent-ils d'efficacité que par la miséricorde de Dieu, et en conséquence de son dessein de sauver le monde par l'incarnation de son Fils.
[4] Quand l'archange Gabriel fut envoyé à Marie.
[5] La mère de Jésus est aussi la mère adoptive de tous les disciples de Jésus, des membres de l'Église qui est le corps mystique ou moral de Jésus.
[6] Pour ne les révéler complètement.
[7] Marie, en vertu de son droit maternel sur Jésus, a été invitée par Dieu à consentir à ce qu'il fût sacrifié pour notre salut.
[8] Les choses précieuses se gardent, en effet, dans le secret d'un trésor.
[9] Les humiliations du Rédempteur montrent mieux la grandeur de Dieu son père, devant qui il s'abaisse, que les actions éclatantes et pour ainsi dire triomphales qu'il aurait pu faire.